Monsieur le Ministre,
Mesdames et messieurs les responsables des autorités de régulation et des organisations professionnelles
Messieurs les Président(e)s des groupes et du groupement parlementaires,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Il y a dix ans, l’institution législative a abrité le «Dialogue national sur les médias et la société », avec des objectifs et des enjeux nationaux majeurs qu’on peut résumer à l'ambition de renforcer un domaine qui contribue de manière significative à la consolidation de la construction institutionnelle, au renforcement de la démocratie, à la diffusion de sa culture, à la promotion de l'ouverture, à la consécration de la différence et, notamment, à la défense des causes vitales de notre pays.
Avant d’aborder les principales conclusions de ce dialogue, qui revêtent à ce jour-ci une actualité importante, et avant de rappeler les objectifs de notre rencontre aujourd’hui, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'avoir accepté l’invitation de la Présidence de la Chambre des Représentants pour participer à ce débat serein, visant à aboutir à des conclusions pratiques et concrètes, qui nous permettront de développer nos médias nationaux en termes d’organisation, de modèle économique et de contenu éditorial.
En réfléchissant à l'organisation de ce séminaire, nous avons évoqué la philosophie et l'esprit de consensus et de maturité qui ont toujours caractérisé la méthodologie de la réforme adoptée par notre pays. Une méthodologie qui a été ancrée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie, dans diverses réformes et chantiers structurants, notamment la Constitution de 2011, le Code de la famille, le Rapport cinquantenaire sur le développement humain, la régionalisation avancée, la réforme de l'éducation et le Nouveau Modèle de Développement.
En appliquant la même méthodologie, le «Dialogue national sur les médias et la société» a œuvré, d’une part, pour la création de l’instance dudit dialogue national, qui comprenait des représentants des médias, des membres des groupes parlementaires en tant que représentants du ministère de tutelle; et d’autre part, à l’organisation des séances de dialogue et d’audition auxquelles ont participé toutes les parties prenantes, y compris notamment les professionnels et les institutions des médias, ainsi que les institutions impliquées dans l'économie des médias et dans formation.
A cette fin, le débat public a duré un an pour s’accorder sur une feuille de route pour réformer le secteur, et pour s’entendre sur 303 recommandations et sur plusieurs études sur le terrain liées aux médias, notamment une étude sociologique sur les attentes des jeunes marocains vis-à-vis des médias, et leurs intérêts concernant ce secteur.
Aujourd'hui, nous revenons sur les conclusions et les recommandations de cet exercice national, non seulement pour commémorer son anniversaire, mais aussi pour relever les défis auxquels notre pays, en général, et nos médias nationaux, en particulier, font face. Tels défis nous obligent à revenir sur le bilan et les conclusions du dialogue national, car ils constituent un capital commun, qui jouit du consensus nécessaire et d’une légitimité démocratique grâce à la légitimité des parties participantes.
Si nous sommes aujourd'hui confrontés à de nouveaux contextes et défis, il convient de rappeler que les médias et la presse de notre pays ont joué un rôle décisif dans la libération du protectorat, la réalisation de l'indépendance, la consolidation des bases d'un État national et démocratique, et la protection du pluralisme. Par ailleurs, et indépendamment des moments difficiles que notre pays a vécu, il disposait, à toutes ces époques, d'une presse libre, critique et pluraliste qui reflète la nature diverse, pluraliste et unifiée de la société marocaine. De plus, en ce qui concerne les causes de notre pays, la presse nationale, en toutes ses orientations, a toujours été mobilisée pour défendre les intérêts du Maroc et mettre en exergue et promouvoir ses positions.
Les défis auxquels notre pays est mobilisé derrière Sa Majesté le Roi pour en faire face dictent le renforcement de notre sphère médiatique, tant en termes d'organisation, de régulation, de modèle économique, et notamment en termes de contenu. Dans un espace régional instable et parfois peu sûr, la stabilité et les acquis de notre pays sur les plans politique et institutionnel, son émergence économique et sa cohésion sociétale provoquent certaines parties et font de notre pays la cible de certains médias étrangers qui diffusent délibérément des informations fallacieuses, des ambiguïtés et des désinformations, ce qui alourdit les responsabilités de nos médias nationaux.
En outre, la révolution numérique accroît l'ampleur de ces défis à un niveau tel que nous pouvons qualifier de chaos l'utilisation des technologies numériques dans la diffusion des informations, compte tenu des possibilités qu'elle offre de publier des informations sans réserve ou restriction professionnelle. Ainsi, ces technologies posent plusieurs défis aux entreprises de presse écrite qui mènent une bataille de survie, étant donné la diminution des ventes et des revenus publicitaires et l'augmentation des coûts de production.
À la lumière de ces défis et pour les surmonter, nous sommes réunis aujourd'hui dans le cadre de ce séminaire dont nous cherchons à cristalliser les conclusions que nous pourrions exploiter pour réglementer, renforcer et rendre plus professionnel notre domaine médiatique. C'est le cas des défis que je voudrais partager avec vous comme thèmes généraux de débat.
Le premier défi concerne la promotion des médias nationaux écrits, audiovisuels et numériques à un niveau qui soit à la hauteur du nouveau positionnement de notre pays en tant que force démocratique, pilier de la stabilité régionale, continentale et internationale, et comme force économique émergente qui s'engage à relever les défis mondiaux communs, notamment la lutte contre le terrorisme, la consolidation de la paix, la réduction des impacts du changement climatique, le pari de la transition énergétique, la migration, la défense des causes de l'Afrique, et la réalisation de la justice médicale et climatique pour notre continent.
Le deuxième défi est lié à la mobilisation de tous pour gagner le pari de la transition numérique en ce qui concerne nos médias nationaux et d'œuvrer pour que l'important potentiel qu'ils offrent ne soit pas utilisé pour promouvoir les informations fallacieuses, remettre en cause la crédibilité des institutions, menacer la sécurité publique de notre pays, ou diffamer les autres. Au contraire, l'énorme potentiel offert par les technologies numériques devrait être utilisé pour partager les connaissances et fournir à l'opinion publique des informations correctes.
Le troisième défi consiste à rejouer le rôle stratégique des médias nationaux dans la construction d'une opinion publique consciente des causes de son pays, de manière à faciliter sa participation à la gestion de la chose publique, en participant aux élections, en assumant les responsabilités et en évaluant les politiques publiques, conformément aux dispositions de la Constitution. Dans le même ordre d'idées, il faut saluer le rôle et la contribution des médias sérieux, responsables et citoyens dans la préservation des libertés et des droits garantis par la Constitution. Cette mission confiée aux médias nationaux a contribué à la construction de l'équilibre sociétal et à la consolidation des institutions démocratiques.
Par rapport à ce défi, nous sommes responsables de l'éducation sociale, de l'enseignement, de l’encadrement et de la promotion du patriotisme, de l'ouverture, de la participation, de la modération, de la citoyenneté et de la croyance dans le droit à la différence, la liberté et l'équilibre entre les droits et les obligations.
Le quatrième défi, qui est transversal, s’articule autour de la crédibilité et du sérieux de la pratique médiatique dans sa relation avec l'éthique de la profession, la conscience, l'indépendance éditoriale (par laquelle je ne renvoie pas à la neutralité), et la mise en œuvre de la devise "L'information est sacrée, le commentaire est libre", que feu Sa Majesté le Roi Mohammed V, que son âme repose en paix, a choisi comme devise à l'Agence Marocaine de Presse (MAP) en 1959.
Le cinquième défi concerne les autorités de régulation des médias audiovisuels et écrits (numérique et papier). A cet égard, et sans préjudice de la liberté d'opinion et d'expression, les entreprises médiatiques doivent se conformer aux décisions des institutions investies du droit d'exercer cette autorité, conformément à la loi et aux décisions pertinentes. Je suis convaincu que le bilan, la pratique et les mécanismes de fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), et son rôle dans l'accompagnement de la libération de l'antenne, et de la diversité du paysage audiovisuel, qui comprend désormais des chaînes de télévision et de radio privées et publiques, méritent de servir de modèle dans l'exercice de la régulation du domaine des médias écrits, notamment dans son aspect numérique. Il ne fait aucun doute que le Conseil national de la presse et les organisations professionnelles parmi nous aujourd'hui sont déterminés et désireux de s'attaquer aux détournements, déséquilibres et pratiques professionnelles qui violent les droits de la société, des individus et des institutions, dans le cadre de la pratique de la diversion, de la confusion, de la diffamation et, à plusieurs reprises, du chantage politique.
Il ne fait également aucun doute que le rôle des autorités de régulation contribuera à la consolidation et à la protection des pratiques honnêtes et des principales entreprises de presse et de médias numériques. À cet égard, il faut saluer les performances, le professionnalisme, le rôle social et les actions de sensibilisation menées par la majorité de ces entreprises médiatiques, sans oublier leur précieuse contribution à l'enrichissement et à la stimulation du débat public.
Enfin, le sixième défi concerne la formation, la formation continue et le rôle des institutions publiques et privées de formation aux métiers de la presse, des médias, de la communication et de leurs techniques. En plus de la formation obligatoire qui doit être un préalable à l'accès à la profession, les professionnels doivent bénéficier d'une formation continue en matière de rédaction, d'image, de vidéo, de radio, de technologies, de montage vidéo et de caricature. Par ailleurs, la formation sur le Code de la Presse et de l’Édition et à la déontologie de la profession doit faire partie du cursus de formation, car le développement des compétences professionnelles doit aller de pair avec le respect de l'éthique de la profession.
Mesdames et messieurs,
Il y a une problématique qui n'est pas moins importante que les précédentes. Il s’agit de ce qu’on pourrait dénommer un malentendu entre le politicien et le journaliste. Cette problématique ne concerne pas deux sphères complémentaires, mais plutôt certains de leurs acteurs.
Surmonter un tel malentendu est l'un des objectifs de ce séminaire. A cet égard, les politiciens doivent être ouverts aux médias, fournir des informations et des actualités qui peuvent être exploitées, analysées et commentées, publier des actualités de manière anticipée et volontaire, et de les rendre accessibles à des sources fiables, reconnues et accréditées. De leur côté, les acteurs des médias doivent faire confiance aux informations fournies par les institutions, les acteurs institutionnels et les politiciens et les utiliser d'une manière qui profite à la société et relève le niveau du débat public. Dans le cas de la Chambre des Représentants, étant une source d'information majeure et un espace de débats publics et d'interaction entre les pouvoirs législatif et exécutif, qui produit des documents importants s'élevant, en moyenne, (si l'on tient compte des archives numérisées de la Chambre) à environ 260 pages par jour, y compris les délibérations des séances plénières, des commissions et des événements organisés par la Chambre (conférences, séminaires, colloques et débats), nous partons du principe que nous sommes une source riche d'informations quotidiennes que nous n'hésitons pas à mettre à la disposition des utilisateurs. A cet égard, je crois qu’au lieu des activités polémiques, l'analyse critique et professionnelle du rendement, de la productivité et de l'efficacité des institutions est le genre de contenu qui profiterait à l'opinion publique pour évaluer le rendement des institutions, considérant que certaines tendances antiparlementaires et antidémocratiques ne contribuent jamais à l'évolution des sociétés.
Mesdames et messieurs,
Les médias de proximité revêtent une importance majeure dans le contexte actuel du Maroc, caractérisé par la mise en œuvre du chantier de régionalisation avancée. Un tel contexte ouvre de larges horizons pour les médias et la presse de proximité, notamment au niveau régional, ce qui nécessite la promotion des institutions médiatiques régionales allant de pair avec les dynamiques économiques, sociales, culturelles et civiles régionales et locales, parallèlement à l'encouragement des médias associatifs dans un contexte dans lequel la Constitution du Royaume garantit les droits fondamentaux de la société civile en matière de la démocratie participative et de citoyenneté.
Dans le même ordre d'idées, nous devons apprécier l'ampleur des transformations structurelles et des développements énormes réalisés dans nos provinces du sud. Il s'agit d'une success-story qui reflète la détermination d'une nation à ancrer ses droits territoriaux et qui mérite une couverture médiatique continue par des médias nationaux et régionaux forts et professionnels, tant en termes de contenu que de normes professionnelles.
Une partie de cette force est liée au financement et à ses sources, notamment la publicité, la distribution et l'encouragement à lire et à consommer les actualités. Par conséquent, en tant que pouvoirs législatif et exécutif, représentants des professionnels et autorités de régulation, nous devons nous efforcer de produire des conclusions pratiques et des politiques qui solidifient et assurent la pérennité de ces institutions en tant qu'entreprises marquées par la bonne gouvernance. Dans le même esprit, nous devons lier le financement et l'accès aux ressources publicitaires au professionnalisme et au respect de ses exigences et des lois sur l'emploi des professionnels.
Mesdames et messieurs,
Dans un contexte mondial marqué par la résurgence des préférences nationales, la prospérité des tendances égoïstes et des discours d'introversion, nous devons œuvrer ensemble pour motiver les médias nationaux à travailler selon la logique de la Nation et de l'appartenance nationale, d'autant plus que les guerres actuelles sont différentes des guerres du passé, car elles utilisent différents moyens, dont les médias en tant que nouvelle arme.
Au Royaume du Maroc, nous avons réussi à gagner le pari de la stabilité, du renforcement des institutions, de la consolidation de la démocratie et du pluralisme. Nous avons également résolu plusieurs problèmes politiques grâce à la prudence et la clairvoyance des Rois du Maroc : feux Sa Majestés le Roi Mohammed V et Sa Majesté le Roi Hassan II, que leurs âmes reposent en paix, et Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu lui accorde une santé perpétuelle. Nous sommes aujourd'hui confrontés au défi de consolider notre positionnement en tant que force économique et démocratique régionale émergente. Dans ce cadre, je n'ai pas besoin de rappeler le rôle des médias dans cette construction, dans la défense des intérêts stratégiques et vitaux du Royaume du Maroc, et dans l'amélioration de la qualité du débat public. Afin d’atteindre tous ces objectifs, nous sommes à la Chambre des Représentants toujours ouverts au dialogue, et à l'adoption de lois susceptibles de renforcer, d'enrichir et d’encadrer les médias nationaux.
Merci de votre attention.