Aller au contenu principal

Allocution de M. Rachid Talbi El Alami, Président de la Chambre des Représentants, lors de la séance d’ouverture des activités commémorant la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes

07/12/2021

Monsieur le Président de la Chambre des Conseillers et cher collègue Enaam Mayara,

 

Madame la Présidente du Conseil National des Droits de l'Homme,

 

Madame la Ministre de la solidarité, de l’insertion sociale et de la femme,

 

Mesdames les responsables des secteurs des femmes au sein des partis politiques nationaux,

 

Madame la Représentante d’ONU Femmes au Maroc,

 

Cher(e)s collègues parlementaires,

 

Mesdames et messieurs, représentant(e)s des médias,

 

Mesdames et messieurs,

 

Si je suis heureux de participer aux activités commémorant la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, célébrée par notre pays dans le cadre des activités s'étendant jusqu'au 10 décembre 2021, mon bonheur est teinté de beaucoup de regret, en constatant, comme vous le faites, la persistance de ce phénomène social qui n'est pas seulement un cas marocain, mais un phénomène mondial relayé par des rapports internationaux dans les pays du Sud comme dans les pays du Nord.

 

Bien que je salue cet événement organisé par la Chambre des Conseillers, je tiens à souligner qu'il n'est pas nécessaire de rappeler le nombre de femmes violentées et les formes et les contextes de violences pratiquées à leur encontre, afin de peser les graves dommages de ce fléau. Quels que soient l'ampleur du phénomène et le nombre de ses victimes, il est considéré comme une violation grave des droits de l'homme et de la loi qui va à l'encontre de la nature des liens qui doivent se nouer entre les membres de la société, mais plutôt l'antithèse de l'essence de l'humanisme et de la civilisation humaine.

 

Si le diagnostic de cette violence est nécessaire pour cerner le phénomène, s'attaquer à ses racines et à ses causes reste crucial, étant donné que les mécanismes et les approches pour éradiquer le phénomène sont nombreux et se déclinent en ce qui est juridique répressif, ce qui est pédagogique-éducatif, et ce qui est sociologique et culturel.

 

Grâce à ce souci royal de veiller aux droits des femmes et d'assurer leur dignité, les droits et la protection des femmes ont été au cœur des réformes engagées par notre pays il y a plus de vingt ans. Nous nous souvenons tous de la volonté royale de promulguer un nouveau Code de la famille en 2004 et de le soumettre au processus législatif après de larges consultations nationales et un dialogue national serein, tenant compte des dispositions libératrices qu'il apportait, garantissant les droits des femmes et des enfants et établissant un équilibre au sein de la famille. C'était dans un contexte régional civilisationnel conservateur, mais ce fut une étape qui a été considérée, et l’est toujours, par les organisations internationales, les partenaires du Maroc et ceux avec qui il partage les valeurs de la démocratie et des droits de l'homme, comme un modèle pour un Code avancé.

 

L'adoption de la Moudawana (Code de la famille) a ouvert la voie à un long processus de réformes profondes visant à garantir les droits des femmes et à les protéger des violences physiques, économiques ou symboliques qu'elles pourraient subir, dont le maillon central était le contenu de la Constitution du Royaume de 2011, qui, en plus de prévoir que les hommes et les femmes jouissent sur un même pied d'égalité des droits et libertés civils, politiques et autres énoncés dans la loi suprême du pays, ainsi que dans les conventions et chartes internationales dûment ratifiées par le Maroc, affirme la volonté de l'État d’atteindre la parité entre les hommes et les femmes et édicte la création du Conseil consultatif pour la famille et l'enfance.

 

La Constitution de 2011 a lancé une dynamique de réforme législative et institutionnelle pour garantir les droits des femmes, notamment en luttant contre la discrimination et la violence à leur égard, dont l’un de ses signes marquants a été l’adoption de la loi n°103-13 relative à la lutte contre les violences à l'égard des femmes.

 

Si la violence à l'égard des femmes, comme contre tout être humain, est rejetée et condamnée par toutes les législations, lois, valeurs et normes, alors la prise en charge des filles et des femmes victimes de violence, rendre justice et réprimer cette pratique ignoble sont considérées comme un acte décisif pour aider à celles qui subissent ce genre d'injustice néfaste et préjudiciable à la dignité et au corps.

 

Conscient de cette responsabilité, notre pays a fait des institutions et des cellules de prise en charge des victimes de violence, filles et femmes, une politique publique constante, dont la répartition institutionnelle s'étend de l'institution de la Sûreté nationale au niveau central et territorial, aux juridictions, ce qui est soutenu et renforcé par l’action des organisations de la société civile qui jouent un rôle de vigilance, de sensibilisation et d'encadrement.

 

Il n'est pas étonnant que la pratique marocaine dans le domaine de la prise en charge, de l'écoute et de l'accompagnement des victimes de violences, qui est menée par les cellules de la Direction Générale de la Sûreté Nationale, soit un modèle pour les pratiques internationales et fasse l'objet d'éloges par les organismes des Nations Unies.

 

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

 

Si nous avons mis en place dans notre pays les mécanismes constitutionnels, législatifs, institutionnels et logistiques pour prendre en charge les victimes de violences, la persistance du phénomène interpelle donc notre conscience et remet en cause certaines tendances conservatrices qui déprécient le phénomène et l’acceptent.

Si les lois sont décisives et indispensables pour faire face à ces pratiques qui contredisent l'essence de l'humanité, la correction de nombreuses perceptions envers la position des femmes dans la société nécessite plus de mobilisation culturelle et civile dans la société, dans les partis et les associations et dans les médias, afin que nous réussissions à isoler ce phénomène et ceux qui le pratiquent en adoptant, en parallèle bien entendu, des politiques de répression résolue, décisive et inconciliable avec la violence, et en garantissant la protection des victimes et des dénonciatrices de violence

 

En effet, le Parlement est au cœur des institutions défendant les femmes, l'égalité et l'équité, compte tenu de ses prérogatives législatives et de sa responsabilité d'améliorer les lois et de les adapter aux contextes et aux besoins de la société, et étant donné ces compétences en matière de contrôle et de lutte contre le phénomène et son statut constitutionnel qui lui confère, en plus de ces compétences, un pouvoir pédagogique symbolique.

 

Certes, l'un des moyens d'éradiquer la violence à l'égard des femmes consiste en l’adoption des politiques efficientes pour assurer l'autonomisation économique et l'indépendance financière des femmes, et principalement des politiques qui facilitent la présence importante des femmes dans les postes de décision au niveau central et territorial, compte tenu des messages que ceci envoie à la société et de la reconnaissance de la créativité des femmes et leur capacité à diriger. Nous disposons dans notre histoire ancienne, moderne et contemporaine, de ce qui témoigne de ces capacités.

 

Si la question des femmes est au centre des chantiers de réforme lancés par notre pays sous la conduite et selon les orientations de Sa Majesté le Roi, que Dieu le glorifie, qu’ils soient liés à la couverture médicale et sociale, au développement durable, à l'investissement, ou encore à l'économie sociale et solidaire, et si la participation des femmes est considérée comme l'un des leviers du Nouveau Modèle de Développement, l’enseignement, l'éducation et la formation des filles demeurent toujours une porte d'entrée décisive pour lutter contre les violences physiques, symboliques et économiques faites aux femmes. Bien entendu, ceci n’exclut pas le rôle crucial de la communication, de la sensibilisation et des médias pour dévoiler le phénomène et briser le silence sur les pratiques abusives dont est victime la moitié de la société.

 

Loin de minimiser ou de dramatiser le phénomène, et compte tenu de la nature complexe de la violence faite aux femmes, travailler sur la conscience collective et la culture parallèlement à la répression, à la mise en œuvre du principe de non-impunité et à l'application de la loi, tout cela est susceptible de créer l’accumulation qui devrait aboutir à une transformation dans le traitement de ce phénomène par la société, pour rompre avec celui-ci et atteindre l'objectif onusien de "construire un avenir sans violence à l'égard des femmes".

 

En conclusion, je tiens à saluer cette implication parlementaire dans cette noble action citoyenne. De même, je réitère mes remerciements particuliers à mon collègue, le Président de la Chambre des Conseillers, pour son invitation, ainsi qu’à vous, mesdames et messieurs, pour votre écoute.