La Chambre des Représentants a organisé, les 21 et 22 décembre 2022, un séminaire sous le thème : « Les Médias nationaux et la société : défis et enjeux futurs », présidé par M. Rachid Talbi El Alami, Président de la Chambre des Représentants, avec la participation de M. Mohamed Mehdi Bensaid, Ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, des présidents des groupes parlementaires, des acteurs institutionnels et des professionnels dans le domaine des médias.
Dans son allocution à l’ouverture de ce séminaire, le Président de la Chambre des Représentants a rappelé les conclusions d’un an de débat public sur les médias, ayant abouti à plus de 300 recommandations et à plusieurs études sur le terrain liées aux médias, notamment une étude sociologique menée sur les attentes des jeunes marocains vis-à-vis des médias, et leurs intérêts concernant ce secteur.
M. Talbi El Alami a ajouté : « Si nous sommes aujourd'hui confrontés à de nouveaux contextes et défis, il convient de rappeler que les médias et la presse de notre pays ont joué un rôle décisif dans la libération du protectorat, la réalisation de l'indépendance, la consolidation des bases d'un État national et démocratique, et la protection du pluralisme. » Dans le même ordre d’idées, il a souligné que malgré les moments difficiles que notre pays a vécus, il disposait, à toutes ces époques, d'une presse libre, critique et pluraliste qui reflète la nature diverse, pluraliste et unifiée de la société marocaine.
Se référant à l’évolution des médias, M. Talbi El Alami a noté que la révolution numérique accroît l'ampleur de ces défis à un niveau tel que nous pouvons qualifier de chaos l'utilisation des technologies numériques dans la diffusion des informations dans le flux des informations au niveau international.
Dans son allocution, il a également attiré l’attention sur « le problème du malentendu entre le politicien et le journaliste, soulignant que les politiciens doivent être ouverts aux médias, fournir des informations et des actualités qui peuvent être exploitées, analysées et commentées, publier des actualités de manière anticipée et volontaire, et de les rendre accessibles à des sources fiables, reconnues et accréditées. De leur côté, les acteurs des médias doivent faire confiance aux informations fournies par les institutions, les acteurs institutionnels et les politiciens et les utiliser d'une manière qui profite à la société et relève le niveau du débat public ».
Par la même occasion, M. Mohamed Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a mis en évidence « l’importance des médias dans la vie des citoyens, en particulier dans la construction de la démocratie », appelant à « une révision du Code de la Presse et de l’Édition, en plus du modèle économique de l’entreprise médiatique, en soutenant l’élément humain. A cet égard, il a souligné que les subventions publiques ont passé de 36 millions de DH à 200 millions de DH. Le ministre a également souligné qu’il n’est pas possible d’avoir des médias objectifs, sans la promotion de la situation sociale des professionnels du secteur de la presse.
Pour sa part, M. Youness Moujahid, président du Conseil national de la presse, a salué le message fort et l’engagement actif de l’institution législative dans ce dialogue, entamé en 2010, et qui comprenait les différents acteurs de la presse, de la formation et des institutions actives dans ce domaine, et ce, dans le but de convenir d’une feuille de route pour l’industrie médiatique et de promouvoir et développer le journalisme dans le cadre d’institutions et d’entreprises journalistiques fortes, professionnelles et éthiques. Par conséquent, selon M. Moujahid, les recommandations ont porté sur la mise en œuvre du Code de la presse et de l’édition pour accompagner le développement et la promotion des conditions professionnelles et sociales des journalistes et le renforcement de l’autorégulation, à travers la création d’un organe indépendant de déontologie de la presse, afin de consacrer la réforme constitutionnelle de 2011. De même, il a ajouté que ce changement « était à l’origine d’un Code de la presse et de l’édition qui prévoit la création du Conseil national de la presse, qui contribue à l’amélioration du panorama médiatique dans le cadre du respect de ses prérogatives, malgré les obstacles et les contraintes juridiques et réglementaires».
Pour sa part, M Abdellah El Bakkali, président de l’Union nationale de la presse marocaine, a souligné que « le passage de 10 ans depuis le début du dialogue est une invitation à évaluer dans quelle mesure les recommandations ont été mises en œuvre ». Selon M. El Bakkali, cette mise en œuvre ne répond pas aux attentes du corps journalistique et médiatique, énumérant dans ce cadre une série d’indicateurs liés à la qualité, au contenu, à la législation, ainsi qu’aux affaires de journalistes devant la justice. Dans son intervention, il a évoqué l’aspect lié à la gouvernance et au soutien public, notant la nécessité d’introduire un changement dans la gestion de ce dossier, afin que le modèle économique de l’entreprise médiatique soit plus cohérent.
M. Noureddine Miftah, président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux, a estimé que « les médias sont un facteur stimulant pour la démocratie, et aujourd’hui nous sommes confrontés à une nouvelle réalité pour les médias, qui font face à un défi existentiel pour la presse écrite, après avoir perdu plus de 70% de son tirage, son influence et ses ressources pendant seulement deux ans. Il a fait savoir que « le soutien que l’État a alloué pendant la période de la pandémie, équivalant à 10 ans de soutien précédent, était un moyen de sauvetage du secteur».
Au cours de ce séminaire, M Abdellatif Bensfia, directeur de l’Institut supérieur de l’information et de la communication, a mis en exergue l’importance de la formation et de la formation continue des journalistes qui découlent des recommandations du dialogue. Dans ce contexte, M. Bensfia a évoqué la réforme pédagogique de la formation journalistique, qui est devenue un besoin urgent afin de renforcer la culture médiatique et de diversifier l’offre pour inclure d’autres secteurs qui s’interfèrent avec l’industrie médiatique. L’objectif est de renforcer l’offre de formation de base et continue aux médias et à la communication, ainsi que de structurer la recherche scientifique, afin de créer une génération de journalistes dotés de l’éthique et du professionnalisme nécessaires pour poursuivre les réformes, en application des recommandations et conclusions du dialogue.
Pour sa part, M Ahmed Akhchichine, qui a été l’un des acteurs qui ont contribué au lancement du Dialogue national sur les médias et la société en 2010, a confirmé que les médias marocains connaissent des difficultés après la pandémie du COVID-19, soulignant que la circonstance est favorable à la Chambre des Représentants pour évoquer les recommandations de ce Dialogue national qui a été organisé il y a dix ans dans le but de promouvoir le secteur. Il a également souligné que les grandes questions qui se posent concernant la prédominance d’une culture de banalité sont dues à la relation entre l’offre et la production médiatique et ses consommateurs. Par ailleurs, M. Akhchichine a évoqué le déclin de l’influence de la presse écrite au profit de celle électronique, ce qui nécessite l’intervention des pouvoirs publics pour mettre en place de nouveaux moyens et formules de soutien, appelant à cet égard les différents acteurs des médias à examiner les enjeux actuels à partir d’une nouvelle perspective axée sur la recherche de solutions qui peuvent être mises en œuvre, ainsi que sur la recherche de formules pour interagir avec ces conclusions d’un point de vue objectif.
D’autre part, les présidents des groupes et groupement parlementaires qui se sont exprimés lors de cet événement ont convenu de l’importance de promouvoir les conditions sociales et professionnelles des journalistes professionnels, en mettant l’accent sur le caractère central de la liberté d’expression et de la presse, et ce, afin de garantir que les médias remplissent leurs fonctions et rôles fondamentaux, en particulier en ce qui concerne l’encadrement, la sensibilisation et la création de l’opinion publique, d’une part, et le renforcement de la construction et des institutions démocratiques, ainsi que la consolidation de la participation des citoyens à la politique et leur implication consciente dans le dynamisme public, d’autre part.
Les travaux du séminaire ont repris le jeudi 22 décembre 2022, qui ont été consacrés à l’écoute des organismes professionnels de la presse et des médias, puis des professionnels, qui ont formulé des propositions pour promouvoir la situation de la presse. La plupart des recommandations s’accordent sur la nécessité d’œuvrer pour le renouvellement du secteur, afin que l’entreprise médiatique produise de la richesse intellectuelle. Parmi les recommandations les plus importantes discutées se trouve la promulgation d’une loi-cadre réglementant la presse en tant que service public qui reflète une étape du développement de la nation.
Dans son allocution de clôture, le Président de la Chambre des Représentants a souligné l’ouverture de l’institution législative à tous les acteurs du domaine des médias et sa volonté de formuler des propositions concrètes pour promouvoir les médias nationaux, améliorer les textes juridiques régissant le travail journalistique et les pratiques médiatiques et promouvoir les conditions sociales des professionnels du secteur. Enfin, M. Talbi El Alami a conclu son intervention en soulignant que dans un premier temps les recommandations seront compilées et un rapport sera élaboré et sera enrichi par la contribution de tous les acteurs du domaine des médias.