Madame Gabriela Cuevas, Présidente de l’UIP,
Monsieur António Guterres, Secrétaire général de l’ONU,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,
Porte-voix de la volonté des citoyens, le Parlement, en tant qu’incarnation de l’émancipation des peuples, a établi l’acte de naissance officiel de la démocratie représentative. Avec l’avènement de l’institution parlementaire, le sujet est devenu citoyen. Un citoyen apte à exprimer ses opinions et à agir sur le choix de ses gouvernants. À travers les siècles et les décennies, l’institution parlementaire s’est progressivement imposée comme une courroie de transmission entre les électeurs et les gouvernements.
Cependant, bien que largement consensuelle et tendant vers l’universel, la pratique parlementaire est mise en œuvre de façon différenciée, selon les spécificités culturelles et le vécu historique des pays qui l’adopte.
Le Royaume du Maroc a évolué, des siècles durant, dans un cadre représentatif coutumier, enrichi de divers affluents. Il s’est doté, il y a plus de 57 ans, d’une institution parlementaire moderne qui s’est consolidée progressivement dans le socle de la Monarchie constitutionnelle et sur la base du pluralisme politique ; avant de prendre son rythme de croisière avec l’adoption, par voie référendaire, de la Constitution de 2011.
Cette nouvelle loi fondamentale a constitué un tournant décisif dans la pratique démocratique au Maroc, en introduisant des concepts novateurs en matière de démocratie participative et en consacrant, entre autres, la primauté du droit, la reddition des comptes, et l’approche genre. Depuis, il y a eu, au Maroc, un véritable renouveau démocratique qui a permis aux citoyens, toutes catégories confondues, de s’approprier la vie politique du pays et de concilier leur diversité avec le projet de société commun auquel ils aspirent.
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Sur le plan international, l’action multilatérale était d’abord interparlementaire et est devenue intergouvernementale par la suite. Faut-il rappeler que l’Union interparlementaire était là bien avant et l’Organisation des Nations Unies et son ancêtre, la Société des Nations, l’ONU et la SDN nous pardonneront ce rappel historique « au bénéfice de l’âge ! ». Disons que ce fut un long périple, pas toujours facile, au bout duquel l’UIP et l’ONU sont devenus deux piliers essentiels de l’action multilatérale.
En tout cas, par les temps qui courent, parlements, gouvernements, institutions nationales, régionales et internationales, ONG, et opérateurs économiques doivent agir à l’unisson pour relever les défis inédits auxquels nous faisons face.
Nous traversons une période incertaine et particulièrement délicate où les pays du monde entier sont aux prises avec une crise sanitaire à nulle autre pareille. Au moment où ils s’y attendaient le moins, les humains ont été mis face à leur fragilité. Ils ont réalisé qu’ils dépendaient les uns des autres et qu’ils faisaient partie de ce monde sans en être forcément les maîtres.
Comme la pandémie de COVID-19, qui circule librement aux quatre coins de la planète, en transcendant allègrement les frontières des États, les moyens disponibles ou à développer pour y faire face doivent s’organiser selon une stratégie tout aussi globale. Une crise d’une telle ampleur ne saurait être jugulée sans la mutualisation des moyens et la conjugaison des efforts de tous.
Déjà, les retombées économiques de la pandémie se font lourdement sentir au niveau mondial. Il s’agit en l’occurrence d’une circonstance particulière qui requiert une stratégie d’exception où les lois du marché :
L’offre, la demande, les termes de l’échange, le retour sur investissement…doivent être momentanément relativisées, le temps de rétablir la confiance et de stimuler la croissance en déclenchant une dynamique positive au niveau de la production, de l’emploi et de l’échange.
A travers cette crise, les parlementaires ont poursuivi leurs activités grâce aux nouvelles technologies d’information et de communication. De nombreuses rencontres ont pu se tenir à distance, par visioconférence, telles que celle qui nous réunit ce 19 août 2020. Voilà un cas concret où les TIC se sont avérées d’une grande utilité.
La Chambre des Représentants du Maroc, qui a franchi d’importantes étapes en matière de parlement électronique, encourage vivement le développement et la démocratisation des TIC au niveau international, pour que la fracture numérique cesse d’être un frein au développement et une source de discrimination ; à charge pour nos assemblées respectives de légiférer activement pour colmater les brèches juridiques et mettre les garde- fous à même prémunir efficacement contre toute forme d’abus.
Cette conférence des présidents tombe à point nommé. C’est une tribune qui nous permet de communiquer de façon réaliste, mais sans catastrophisme, sur les retombées de la pandémie du COVID-19 et de mettre en exergue les pistes à suivre pour renforcer la résilience de l’économie mondiale face à ce phénomène inédit. Les parlementaires ont la proximité voulue pour informer, rassurer, motiver et mobiliser l’électorat en temps de crise.
Pour ma part, j’ai proposé à la présidence de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie d’inscrire comme point prioritaire à l’agenda de la 46e session de l’Assemblée prévue en janvier 2021, « Les retombées économiques et sociales de la Pandémie du COVID-19 ».
Le Maroc fait de la solidarité régionale un devoir moral et un atout considérable en matière de politique étrangère. C’est dans cet esprit que, dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a proposé le lancement d’une initiative pragmatique et orientée vers l’action, de Chefs d’État africains visant à établir un cadre opérationnel afin d’accompagner les pays africains dans leurs différentes phases de gestion de la pandémie, et permettant un partage d’expériences et de bonnes pratiques, pour faire face à l’impact sanitaire, économique et social de la pandémie.
Aussi, Sa Majesté a ordonné l’acheminement à 15 États africains, de matériel médical préventif, afin d’accompagner les pays africains frères dans leurs efforts de lutte contre la pandémie du COVID-19.
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
La tendance à l’anticonformisme qui nourrissait, jusqu’ici, une désaffection grandissante à l’égard des institutions est en train de céder le pas à une mobilisation sans précédent, rendue indispensable par l’épreuve que nous traversons. L’on prend désormais conscience que, pour être efficiente et durable, la mobilisation doit avoir comme clé de voûte les institutions.
Les institutions parlementaires que nous avons l’honneur de diriger se doivent de faire écho aux aspirations et aux préoccupations des peuples du monde. En l’occurrence, elles peuvent saisir la chance unique qui leur est offerte de soutenir la dynamique d’humanisme, d’humilité et de solidarité qui s’est faite jour face au pernicieux danger qui guette le genre humain sans discernement.
Nous avons célébré, le 30 juin dernier, la Journée Internationale du Parlementarisme. Devenu une tradition, cet événement décidé par les Nations Unies en 2018, est une reconnaissance du rôle de l’institution parlementaire dans la mise en œuvre des stratégies nationales et le renforcement de la transparence et du principe de responsabilité aux échelons mondial et national.
Au niveau de la Chambre des Représentants du Maroc, nous avons saisi l’occasion de cet événement pour rappeler la pertinence de la pratique parlementaire en tant qu’exercice démocratique et ultime expression de la volonté populaire, en prévenant contre la tendance persistante à fustiger la chose politique et à remettre en cause la capacité de la démocratie représentative à répondre aux attentes des électeurs.
Au niveau international, les parlements que nous représentons font leurs les but et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et considèrent cette organisation comme la pierre angulaire de toute action mondiale efficiente. Nous sommes pleinement engagés dans l’action commune contre la montée de l’unilatéralisme, pour redonner au multilatéralisme son lustre d’antan.
L’euphorie suscitée par la mondialisation a vite cédé le pas à une dérive unilatéraliste. Corollaire d’un périlleux repositionnement stratégique, l’unilatéralisme a recru dans le terreau fertile de l’insécurité, perçue ou réelle, agitée en guise d’épouvantail face à des citoyens en mal de repères. L’instrumentalisation de la peur et la diabolisation de l’autre occupent une place de choix dans la boîte à outils des décideurs qui manquent de vision pour concevoir de vraies solutions.
C’est le manque de vision stratégique qui explique la propension au protectionnisme. On prend tous les raccourcis pour apporter des solutions provisoires aux problèmes ponctuels des pays, en hypothéquant l’avenir commun des hommes. Ironie de l’histoire, le repli sur soi est prôné, de nos jours, par ceux-là même qui, il n’y a pas si longtemps, portaient avec aplomb l’étendard du fameux « village planétaire ».
Les parlementaires du monde doivent contribuer activement à l’effort collectif visant à honorer les engagements de développement durable à l’horizon 2030.
A peine cinq ans après l’adoption de l’agenda 2030, le Maroc a parcouru 70% du chemin pour atteindre les ODD. Mais ce bilan d’étape positif ne peut se consolider qu’à l’aune d’un contexte régional et continental sûr et stable. Animé par cette conviction, le Royaume partage son expérience et son savoir-faire au niveau régional et international, et apporte sa contribution à la lutte contre l’insécurité qui constitue un véritable frein au développement durable et au développement tout-court.
Il est un fait que l’investissement fuit l’insécurité, et il est impensable, dans le contexte global d’aujourd’hui, qu’un pays en développement puisse évoluer de manière isolée et sans recours au financement extérieur. Il est donc essentiel d’accorder une importance toute particulière à l’amélioration du climat des affaires par la consolidation de la confiance et de la viabilité économique de nos pays, d’autant que les besoins en financement augmentent à mesure que décroit l’aide au développement.
Rien qu’en 2018, l’aide mondiale au développement a baissé de 2,7%, alors qu’elle ne représente que 0,31% du revenu des pays donateurs. L’aide destinée à l’Afrique, elle, a enregistré une baisse plus importante estimée à 4%.
Cette baisse s’explique en partie par la réaffectation d’une partie de l’aide destinée au continent africain au renforcement du dispositif de lutte contre l’immigration. Une solution peu durable qui privilégie les symptômes aux causes profondes du phénomène. Il est à craindre, du reste, que l’aide au développement ploie encore plus sous le fardeau de la crise sanitaire actuelle. Le développement durable recherché à travers l’agenda 2030, constitue un meilleur gage d’avenir pour des hommes et des femmes qui vivent sur une même planète.
Le Maroc fait de son ancrage africain historique, un levier essentiel de sa stratégie de développement basée sur l’appropriation commune des défis et des perspectives de son continent. Notre approche partenariale, savamment orchestrées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a permis au Maroc, et lui permet encore, de lancer, en Afrique, un grand nombre de projets structurants et solidaires qui impactent positivement et directement les conditions de vie des populations. Le Royaume a véritablement gagné le pari de la coopération sud – sud, non pas comme alternative à la coopération nord – sud mais en vue d’une meilleure coopération nord- sud.
La coopération parlementaire est un outil de proximité qui donne une dimension humaine à l’interaction institutionnelle. C’est à ce titre que l’institution que j’ai l’honneur de présider promeut l’appui populaire à la coopération sud - sud initiée par le Maroc à l’échelon de son continent et au-delà.
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Le Maroc, qui a accueilli la COP 22, agit proactivement face aux changements climatiques, en se souciant de ne pas léguer un mauvais héritage écologique aux générations futures. Le développement spectaculaire des énergies renouvelables au Maroc est un modèle unique en matière de transition énergétique et une expérience probante qui préfigure l’importance stratégique des énergies propres dans les décennies à venir.
Pour conclure, je dirai que la crise sanitaire que nous traversons a révélé au grand jour la vulnérabilité de la condition humaine et la porosité des frontières qui, jusqu’à récemment, donnaient aux nantis l’illusion de vivre dans des îlots de prospérité.
Agir à contre sens de l’interdépendance irréversible du monde actuel laissent entrevoir des lendemains des plus incertains. Nous devons bien assimiler la leçon d'humilité que nous apprend la crise actuelle, car le monde de demain sera solidaire, globalement stable et durable ou il ne sera pas.
La collaboration positive qui se développe entre l’Union interparlementaire et l’Organisation des Nations Unies incarne la vision globale qui devrait présider désormais à la gestion stratégique des affaires du monde où nous vivons, car, au-delà des différences de trajectoires et de perspectives, nous militons pour les mêmes causes.
Je vous remercie.