Aller au contenu principal

Allocution de M. Rachid Talbi El Alami Président de la Chambre des Représentants à l'ouverture de la Rencontre de Communication sur la démocratie participative

02/02/2023

Mesdames et Messieurs les Député(e)s.

M. le représentant de l’Union Européenne

Mesdames et messieurs les experts

Nos partenaires internationaux

Responsables et représentants des organisations de la société civile

 

Je suis heureux de rencontrer une nouvelle fois les représentant(e)s des organisations de la société civile, dans le cadre de la tradition que la Chambre des Représentants a établie il y a des années, conformément aux dispositions de la Constitution du Royaume et à la politique d'ouverture que nous avons adoptée, croyant en la nécessité d'enrichir la démocratie institutionnelle.

Je voudrais tout d’abord vous souhaiter la bienvenue, chacun en sa qualité et sa responsabilité, ainsi qu'aux représentants de nos partenaires des programmes de coopération internationale présents parmi nous, notamment les représentants de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui co-organise avec nous cette rencontre, de l'Union européenne, de la Fondation Westminster pour la Démocratie (WFD), de l’Institut National Démocratique (NDI), de la Banque mondiale et de l'Initiative du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert « OGP ». Je considère cette présence diversifiée et intense comme un témoignage de reconnaissance à l'égard de l'institution législative, de confiance dans les réformes ambitieuses et exceptionnelles que notre pays, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie, adopte avec volonté et détermination, et ce, en vue de consolider l’État des institutions dans le cadre du pluralisme, de la liberté, de la concertation et du consensus.

Il s'agit, mesdames et messieurs, d'un modèle démocratique marocain profondément enraciné, fondé sur l'accumulation de réformes, qui a mis en place à cette fin un cadre constitutionnel, des législations, des institutions et des mécanismes constitutionnels qui facilitent sa durabilité, sa solidité et son immunité.

Les organisations civiles présentes parmi nous aujourd'hui ne sont qu'un échantillon représentatif de la société civile marocaine, qui compte plus de 200 000 associations, travaillant dans différents aspects de la vie publique dans toutes les régions du Maroc. Cette diversité spatiale et thématique dans la société civile et le dynamisme qui la caractérise sont une preuve claire de la richesse du pluralisme culturel et civil marocain et donne une image expressive de la liberté d’organisation, d'initiative et d’encadrement, qui correspond au pluralisme partisan, à la richesse du paysage politique, au système partisan national et au pluralisme de ses idéologies politiques et théoriques.

Certes, ce pluralisme partisan, culturel et civil fondu dans l’identité nationale unifiée, se traduit par une presse pluraliste, libre et critique, avec des références politiques, intellectuelles et médiatiques diverses qui ont toujours marqué notre vie nationale, quels que soient les circonstances et les contextes. C'est un capital de fierté et une réalité dont nous ne pouvons qu'être fiers.

Ce qui nous rend plus fiers de notre modèle constitutionnel et institutionnel, c’est que la loi suprême de la nation a veillé à la constitulisation du statut, du rôle, des droits et des devoirs de la société civile, qu'il s'agisse de la démocratie participative et citoyenne, de l’encadrement des initiatives des citoyennes et des citoyens à cet égard, ou de la contribution à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l'évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des autorités publiques. À cette fin, notre pays a adopté les lois organiques relatives à la démocratie participative, notamment les lois organiques relatives aux motions en matière législative et aux pétitions adressées aux organismes élus et aux autorités exécutives nationales, régionales et locales.

Mesdames et Messieurs,

Je vous en prie de m’excuser si je me suis attardé longtemps à évoquer les faits. Mais le contexte et l’intention de certains d’ignorer délibérément la force de notre modèle institutionnel et de notre construction démocratique, nous imposent, dans le cadre de notre devoir national et nos responsabilités institutionnelles, ce rappel, ce qui pourrait mener à l’éradication des campagnes de désinformation et des opérations de calomnie et à l’instauration de la raison dans les relations entre les partenaires.

L'organisation de cette rencontre de communication avec les organisations de la société civile sur la mise en œuvre de la démocratie participative et citoyenne, en ce qui concerne le volet relatif à la présentation des pétitions et des motions aux autorités élues et exécutives, s’inscrit dans le cadre de la politique d'ouverture et d'engagement adoptée par la Chambre, conformément aux dispositions de la Constitution, ainsi que dans le but  de la mise en application des engagements pris dans le contexte du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, au sein duquel notre pays occupe une position privilégiée.

La rencontre d'aujourd'hui est la troisième du genre au cours de la Législature en cours, après la rencontre du 22 juin 2022 et la rencontre africaine de Marrakech en début novembre, pendant laquelle la Chambre des Représentants a organisé une journée notable avec la participation des représentants de la société civile marocaine, ainsi que plus de 400 organes civils de pays africains frères et 13 parlements africains.

Il s'agit également de la cinquième rencontre depuis la promulgation des deux lois organiques relatives aux pétitions et aux motions en matière législative, après les rencontres organisées les 23 mai 2019 et 25 février 2020. Les 21 et 22 décembre derniers, cette salle a été témoin, pendant deux jours, d'un riche débat avec un partenaire important et essentiel de la société civile. Il s'agit d'une rencontre à laquelle nous avons invité, à l'occasion du dixième anniversaire de la conclusion du dialogue national sur les médias et la société, les organes médiatiques pour prendre connaissance de l'état de la profession, les perspectives de réforme et la mise en place des conditions nécessaires pour que la profession s'adapte aux nouveaux contextes sociétaux. Il ne fait aucun doute que le message et les rôles de la presse et des médias sont complémentaires avec ceux de la société civile et de son action sur le terrain, car l'objectif reste toujours l’implication, la participation, l'intégration, le service de la société et le renforcement de l'action publique en termes d’octroi des droits et de respect du devoir.

Mesdames et Messieurs,

Au cours de toutes ces rencontres, nous avons échangé de nombreuses idées et suggestions qui pourraient être regroupées sous une seule question : comment faire en sorte que la société civile contribue à l'enrichissement de la démocratie, joue ses rôles, exerce les droits que lui sont garantis par la Constitution et les législations pertinentes, et encadre les initiatives des citoyens en matière de pétitions présentées aux autorités publiques et représentatives, et de motions en matière législative au pouvoir législatif.

Soyons francs et admettons que ce qui a été réalisé jusqu'ici dans ce domaine n'est pas à la hauteur de l'ambition nationale commune. Plus que cela, il ne reflète pas le dynamisme, la force et les extensions de la société civile marocaine, qui a été caractérisée pendant des décennies par sa contribution à l'enrichissement du champ culturel et à la concrétisation de la diversité, à la réalisation du développement, au renforcement de l'économie sociale et solidaire et à la défense des droits de l'homme, sans oublier sa contribution à la préservation de la personnalité marocaine et à la sensibilisation nationale face à la colonisation.

Bien que ces rôles semblent avoir changé dans le contexte social actuel, les objectifs et les enjeux demeurent les mêmes, à savoir la promotion de la construction institutionnelle, la consolidation de la confiance, le façonnage de l’élément humain et le renforcement de la cohésion sociale. Nous devons tous capitaliser les droits garantis par la Constitution et la législation pertinente pour la société civile, et ce, afin d’atteindre ces objectifs. Mais au cours de cette rencontre, nous devons faire face aux obstacles qui font que le bilan national en matière de démocratie participative et le rôle de la société civile dans sa mise en œuvre soient en-deçà des ambitions communes, et pour cela nous devons travailler ensemble pour les surmonter.

À cet égard, je crois qu'il y a cinq difficultés fondamentales que nous devons surmonter pour atteindre les finalités de la Constitution et de la législation nationale, afin que les organisations de la société civile occupent une place importante dans l'architecture constitutionnelle.

Il s'agit tout d'abord des procédures et des conditions requises pour que la pétition ou la motion en matière législative soit recevable quant à la forme, notamment en ce qui concerne les pièces requises, le nombre de signataires de la pétition ou de la motion et leur répartition géographique.

À cet égard, je pense que les amendements apportés aux deux lois organiques 44-14 et 64-14 en 2021 sont le début d’autres réformes qui peuvent être convenues afin de simplifier davantage les procédures, et pourquoi pas initier un débat national sur d'éventuels amendements et l'adoption d'une loi sur la concertation publique qui encadrera les premiers maillons du processus des initiatives citoyennes.

Il s'agit, en second lieu, de la nécessité de disposer des compétences nécessaires qui devraient être réunies chez les encadrants ou les auteurs de l'initiative citoyenne, à savoir la pétition ou la motion, sachant que personne ne nie les énergies créatrices de la société civile marocaine, qui n’a besoin que d’un simple exercice qui éveille ces énergies et tout le potentiel et les transforme en actes et en compétences.

Il ne fait aucun doute que le lancement du programme de formations institutionnelles et des ateliers d'application permettra d'atteindre cet objectif. À cette fin, la Chambre des Représentants œuvrera, conformément aux engagements qu'elle a pris dans le cadre de l'Initiative du partenariat pour un Gouvernement ouvert, et avec ses partenaires internationaux, pour le lancement de ce programme.

La troisième difficulté consiste à gérer la communication entre les organisations de la société civile d'une part, et les institutions concernées par les pétitions et les motions en matière législative d'autre part. Je pense qu'il s'agit d'une problématique erronée ou psychologique, plus que de difficultés matérielles tangibles, que nous devons surmonter en donnant la priorité aux objectifs de la Constitution et en tenant compte de l'intérêt de la société.

Le quatrième volet consiste à utiliser et à exploiter l’information de façon plus optimale, notamment l’information législative, ainsi qu’à investir les technologies de l’information à cette fin. La contribution à la législation en commentant ou en proposant des amendements aux projets de textes soumis à la procédure législative, en distinguant ce qui relève de la loi et ce qui relève de la réglementation, est un ensemble d'outils pour construire des initiatives citoyennes, tant du point de vue de la forme que du contenu, bien entendu dans le respect de la loi.

Je pense que les portails électroniques institutionnels contiennent suffisamment de contenus, de guides de référence, et de précisions sur les procédures qui facilitent la concrétisation des initiatives acceptables et efficientes.

La cinquième problématique est l’efficience du choix du contenu de l'initiative citoyenne (pétition ou motion en matière législative), c'est-à-dire le degré de sa pertinence au le besoin sociétal, les limites de son respect de la compétence, l'évitement des conflits d'intérêts et de chaque tendance ou intérêt particulier ou corporatiste, qui sont des questions qui se règlent lorsque chaque acteur est conscient de ses compétences et de ses limites : c'est-à-dire quelle est la responsabilité de la partie, et quelle est la responsabilité de l’organisation civile.

Mesdames et Messieurs,

À la Chambre des Représentants, nous avons œuvré, Présidence, Bureau, présidents des Groupes et du Groupement parlementaires, à assurer le cadre approprié pour recevoir les initiatives citoyennes, à commencer par l’encadrement de ce processus par des Articles du Règlement Intérieur de la Chambre, par la création de la Commission des pétitions, où l'opposition et la majorité sont représentées, et par la désignation d'un service au sein de l’administration à cet effet. Nous sommes en train de travailler sur un mécanisme informatique numérique pour la gestion des pétitions et des motions adressées à la Chambre.

Notre ambition commune demeure de lancer une nouvelle dynamique dans la démocratie participative et citoyenne, en particulier dans son volet relatif aux pétitions et aux motions, où la société civile joue les rôles d’encadrement des initiatives des citoyens, de manière à agrémenter la démocratie institutionnelle représentative. Nous désirons également que la législation pertinente ait un impact sur la mise en œuvre de ces droits constitutionnels et que, par conséquent, tout cela aura un effet positif sur la confiance dans les institutions.

 À cette fin, je vous invite, à travers le débat et l'interaction que vous allez avoir aujourd'hui avec les représentants de l'institution législative, à nous faire part, au plus tard, de vos suggestions dès que possible sur les mesures essentielles que vous jugerez nécessaires pour insuffler une nouvelle dynamique à la démocratie participative, que ce soit en matière de formation, d’encadrement, de procédures, de communication ou d'aboutissements.

D'autre part, dans l'esprit de notre ouverture à la pratique internationale comparée, parmi nous aujourd’hui des experts de pays européens. Dans ce cadre, je vous invite à interagir avec les présentations qu’ils vont faire sur les pratiques dans leurs pays respectifs, tout en sachant que chaque pays a son propre contexte politique, constitutionnel et institutionnel, ainsi que ses traditions démocratiques et institutionnelles, et que les dispositions de la Constitution et de la législation pertinente  au Royaume sont, bien entendu, bien avancées et libérales, telles que celles dans d’autres pays du monde, comme d'autres droits qui couvrent tous les aspects de la vie.

Pour terminer, rappelant que ce qui distingue notre modèle démocratique et institutionnel, c'est le statut et les rôles garantis à la société civile et à la démocratie participative et citoyenne, et réaffirmant qu'elle ne remplacera pas la démocratie institutionnelle qui tire sa légitimité des élections, étant l’expression de la volonté populaire à travers les urnes, je réaffirme que les normes de la démocratie du XXIe siècle sont l'ouverture aux citoyennes et aux citoyens et l’implication de la société civile, compte tenu de sa présence, de son action de proximité, de son extension territoriale et de sa vigilance.   

Je vous souhaite une nouvelle fois la bienvenue à tous et le succès de vos travaux.