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Allocution de M. Habib El Malki, Président de la Chambre des Représentants à l’ouverture de la conférence sur :"La Démocratie participative entre contraintes de la réalité et perspective d’amélioration"

25/02/2020

Rabat, Chambre des Représentants, 25 février 2020

 

- M. le Ministre du travail et de l’insertion professionnelle, au nom du ministre d’Etat chargé des droits de l’homme et des relations avec le Parlement,

- Mesdames et Messieurs les responsables des  associations de la société civile,

- Mesdames et Messieurs les membres du Bureau de la Chambre des Représentants, les président(e)s des groupes et du groupement, et des commissions permanentes,

- Mme Victoria Hasson, Représentante de la fondation Westminster pour la Démocratie,

- Mesdames et Messieurs les experts,

Nous avons organisé, ici à la Chambre des Représentants, le 23 mai 2019, la première réunion de communication entre la Chambre et les associations de société civile marocaine concernant les obligations de la Chambre dans le cadre de l’initiative du partenariat pour un Parlement ouvert. Nous nous sommes engagés en tant qu’autorité politique de la Chambre à l’époque, à ce que nos rencontres soient régulières, avec des thèmes spécifiques eu égard à notre ferme et sincère conviction en votre rôle, le rôle crucial de la société civile dans la consolidation de la construction démocratique, dans le développement et dans la promotion de la culture de la citoyenneté.

Permettez-moi avant de revenir au thème de la conférence d’aujourd’hui que nous organisons en application à cet engagement et dans le cadre de notre volonté de promotion de la démocratie participative, de vous souhaiter la bienvenue, représentant(e)s de la société civile, et cher(e)s invité(e)s expert(e)s de pays amis et expert(e)s marocain(e)s, et de saluer le partenariat de la Chambre des Représentants avec la fondation Westminster pour la démocratie, incarnant la relation d’amitié entre le Royaume du Maroc et le Royaume Uni, partenariat qui nous permet essentiellement de d’apprendre certaines pratiques comparées concernant le thème de la conférence d'aujourd'hui et d'autres mécanismes de la pratique parlementaire, et de présenter nos propres pratiques parlementaires à l'étranger.

Notre pays a réussi à passer de l’étape de constitutionnalisation de la démocratie participative à celle de l’encadrer législativement par la mise en place de deux lois organiques l’une relative aux pétitions et l’autre relative aux motions en matière législative, par son inclusion dans les dispositions du Règlement Intérieur de la Chambre des Représentants, et par la suite, par l’adoption des textes organiques de cette importante réforme institutionnelle et sociétale.

Il est maintenant temps de l’application effective de cette pratique citoyenne. A ce stade, nous sommes tous concernés : Pouvoir législatif, qui est concerné en plus de la mise en œuvre du droit de pétition, à la réalisation du droit de présenter des motions en matière législative. Pouvoir exécutif, au niveau central et décentralisé, et les entités élues au niveau territorial concernées par le droit de présenter des pétitions, et bien sûr, la société civile soucieuse d’encadrer les initiatives citoyennes.

À cet horizon, nous avons tenu à ce que la Chambre des Représentants, par sa présidence, son Bureau, ses président(e)s de groupes, et ses commissions permanentes, fournisse le cadre approprié pour la réception des pétitions des citoyennes et citoyens, en constituant la commission chargée de recevoir ces pétitions par décision du Bureau de la Chambre. Et nous élargirons ses attributions pour qu’elle puisse recevoir aussi les motions en matière législative.  Je voudrais saluer le travail de cette commission formée à parts égales entre l'opposition et la majorité, pour ce qu'elle a accompli depuis sa création, dont son Président présentera son action sous peu.

D’autre part, nous avons élaboré, dans le cadre d’un projet commun avec le Gouvernement la plateforme électronique dédiée aux pétitions, qui permet plusieurs choix concernant la destination de la pétition, i.e. l’autorité concernée et sa gestion.

Dans un cadre plus large pour faire participer les citoyens dans la législation, nous avons veillé à ce que le nouveau site Internet de la Chambre permette aux citoyennes, aux citoyens et aux instances civiles et professionnelles d'interagir avec les projets et propositions de lois transmis à la Chambre, par le biais des commentaires et des avis sur un projet de texte ou une proposition de texte. Nous espérons que l'interaction de la société avec les initiatives législatives soit intense pour enrichir et améliorer la qualité, et c’est d’ailleurs ce que je vous invite à faire, et à faire sa promotion dans les milieux dans lesquels vous travaillez.

Mesdames et Messieurs,

La société civile marocaine a accumulé de grandes expériences de son engagement pendant des décennies à travailler dans divers aspects des droits humains, culturels, développementaux, sociaux et environnementaux, et dans la consolidation des valeurs de citoyenneté, ce qui a facilité la constitutionnalisation de ses prérogatives, fonctions, statut et droits.

Cette primauté place les associations et les organisations non gouvernementales devant des responsabilités très importantes, et devant le devoir de contribuer à l’initiative et de donner des avis pour développer, améliorer et apporter la gouvernance aux affaires publiques, et l'efficacité aux politiques publiques.

Certes, une société civile, comme celle dont le Maroc dispose, gardienne de la diversité, du pluralisme et de l’encadrement depuis des décennies, saura incarner la transition qu'elle a opérée, de la protestation et de la critique, à la proposition et à la participation, et à la position de partenaire des institutions.

Nul doute que ces tâches sont davantage facilitées par le maintien de la société civile de son indépendance, son souci d’assumer ses fonctions et à poursuivre les objectifs qu’elle se fixe et que la Constitution lui garantit, car tout écart par rapport à ces objectifs et fonctions pourra affecter la crédibilité des associations de la société civile, et engendrer  une certaine confusion dans les fonctions au sein de la société. La démocratie participative ne peut pas remplacer la démocratie institutionnelle représentative, les frontières entre le politique et le civil doivent demeurer et être préservées, et les associations civiles qui accomplissent des rôles nobles ne peuvent pas remplacer les partis politiques.

Nul doute que les associations civiles de cette manière seront un pilier plus efficace et efficient aux institutions, et un auxiliaire de la démocratie institutionnelle et une source de son enrichissement,  en particulier, par l’encadrement des initiatives citoyennes dans l’élaboration, l’adoption et le dépôt des pétitions et des motions en matière législative.

Mesdames et Messieurs,

Il convient de noter avec fierté que la Constitution du Royaume, pour ce qui a trait à la démocratie participative, a été très ambitieuse et très libérale, car elle a fait appel à l’importance de l’élargissement de la participation, et la mise à disposition aux citoyens des moyens de contribution et d’influence dans la législation et dans les politiques publiques. Cependant, notre ambition collective concernant cet objectif n'a pas été atteinte de la manière recherchée par le législateur constitutionnel, car les initiatives acceptées, et même celles qui sont avancées en préparation, sont en deçà de l'aspiration nationale commune.

A cet égard, je vous invite à faire état des problèmes et des obstacles qui empêchent la mise en œuvre intensive de ces initiatives, et à présenter des suggestions pratiques pouvant servir à toute réforme nécessaire au niveau législatif, procédural et réglementaire. En attendant, je voudrais résumer certaines difficultés observées en pratique.

1ère difficulté : a trait aux procédures, en particulier, en ce qui concerne le nombre de signatures nécessaires pour que la motion en matière législative ou que la pétition soient recevables. Le nombre de vingt-cinq mille signatures requises dans la liste d’appui à la motion, et le nombre de cinq mille requis dans la liste d’appui à la pétition, avec tous les documents requis, nécessitent de notre part une réflexion collective et une évaluation de cette expérience jeune et prometteuse en quête de flexibilité dans le cadre du consensus et à la lumière des pratiques comparées.

2ème difficulté : à mon sens, consiste au besoin de compétences nécessaires qui devraient être disponibles chez les initiateurs de la motion ou la pétition. Si j'apprécie et salue la compétence des militants des associations de la société civile, je me rends compte, en revanche, que la pétition ou la motion requièrent un niveau élevé de précision, de formulation, de justification, de délimitation et de persuasion pour que l'initiative soit recevable et que son sort soit facilement déterminé.

Dans cette perspective, nous œuvrons  à la mise en place de programmes de formation au profit des associations de société civile et à l’appui de leurs capacités sur la base d’une procédure transparente garantissant l'égalité des chances et prenant en compte la diversité du tissu associatif marocain en termes d'intérêt et de distribution territoriale. D'autre part, et en reconnaissance de ce que nous avons accompli dans l'ouverture de la Chambre telles les demandes de visite collectives à distance, et la facilitation de l’accès à la Chambre, nous continuerons à appliquer les critères internationaux, en particulier ceux de l'Union interparlementaire (UIP) pour faciliter l'accès à l'institution.

3ème difficulté : consiste en ce que nous pourrions appeler un malentendu dans la gestion de la communication entre les associations de société civile d'une part, et les institutions concernées par ces pétitions et motions d'autre part. je considère personnellement qu’il s’agit d’un obstacle psychologique plutôt que physique ou procédural. Pour cela, nous devons renforcer la communication et diversifier ses canaux et les réunions qui devraient avoir lieu à l'avenir, selon les domaines d'intérêt de chaque groupe des associations de la société civile.

4ème difficulté : consiste, à mon sens, dans la difficulté d’accès aux informations législatives. À cet égard, je vous demande d'utiliser de manière optimale les possibilités offertes par la loi sur le droit d'accès à l'information, ainsi que informations fournies par les sites Web institutionnels, dont le site Web de la Chambre des Représentants, afin que vous puissiez suivre l’actualité législative et ce qui est accompli dans ce domaine, d'abord avec une obsession de mise à jour et de non-répétition, et deuxièmement, afin de faire la différence de ce qui relève du domaine de la loi, de ce qui ne l’est pas.

Mesdames et Messieurs,

Les possibilités offertes pour la société civile marocaine et les droits qui lui sont constitutionnellement garantis sont de précieuses opportunités pour que son encadrement aux initiatives citoyennes soit un outil d’enrichissement et d’appui à la démocratie institutionnelle, dans un contexte international caractérisé dans certains pays par la lutte contre les institutions, par l’épanouissement de la rhétorique populiste, fanatique et rétrograde. Ce qui accroît la richesse des initiatives citoyennes dans la démocratie participative, la proximité des préoccupations de la société qui caractérise les organisations civiles, la grande diversité de leurs intérêts, leurs domaines d'intervention et le dynamisme qui les caractérise.

Pour ces considérations et d'autres, nous parions sur la contribution de la société civile au renforcement du cadre institutionnel, à la consolidation de la construction démocratique, et à la stimulation de la participation positive, pour qu’elle soit un outil enrichissant de la démocratie représentative et qu'elle contribue à insuffler un nouveau souffle à la participation politique pour renforcer les institutions et la démocratie dans ses dimensions politique, économique, sociale et culturelle, de manière à contribuer au progrès, à la stabilité et à l'unité de notre pays, dans le cadre de nos constantes et de notre consensus national sous la direction de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le bénisse.

J’espère que les travaux de cette conférence auxquels participent des experts étrangers et Marocains remerciés, à vos côtés vous les représentants de la société civile, aideront à atteindre ces objectifs, et à lancer une nouvelle dynamique dans la pratique de la démocratie participative, et à la mobilisation pour la poursuivre les réformes et à les rendre productives. Nous demeurerons dans l’attente de vos suggestions, aujourd'hui et demain, à travers les nombreux canaux de communication disponibles, et nous resterons attentifs à accorder une attention particulière à vos initiatives et à communiquer avec vous concernant leurs résultats.

Merci à vous